article du 09/02/14 par Janine Trotereau du journal Le télégrame.
Entre beffrois et terrils, entre Lens et Arras, dans cette vaste étendue qu'est la Gohelle où la moindre butte fait figure de montagne, trois batailles acharnées se déroulèrent durant la Grande Guerre. De nos jours, seuls les immenses cimetières et les ossuaires témoignent du carnage passé et d'une jeunesse venue du monde entier s'enterrer pour s'entre-tuer durant quatre longues années.
Comment croire aujourd'hui, dans ces paysages sereins, qu'on lutta ici il y a un siècle, pour un clocher, une hauteur, un lambeau de terrain, quelques mètres de tranchées. 2.000 morts quotidiens durant les 39 jours de la bataille d'Arras sur un front de quelque 20 km, plus de 300.000 corps enfouis à la hâte, puis exhumés et enterrés avec tous les honneurs après l'Armistice. C'est dire si, ici, les cimetières sont légions. Français, Britanniques, Canadiens, Allemands, Néo-Zélandais, Chinois, Indiens, Arméniens, Grecs, Africains, Polonais, Tchèques, Slovaques, Suédois y fraternisent désormais pour toujours.
C'est au coeur du bassin minier que peut commencer une visite de ces lieux chargés jadis de bruit et de fureur. Par Lens, complètement rasée à l'époque et entièrement reconstruite. L'art déco y règne en maître, notamment à la gare en forme de locomotive ! Mais rapidement, ce sont les grands cimetières qui marquent les paysages dominés par les terrils jumeaux. Parmi eux, à Loos-en-Gohelle, le Dud Corner Cemetery renferme les corps de plus de 20.000 soldats, dont celui du fils de Rudyard Kipling (reconnu en 1992), que le prix Nobel de littérature chercha en vain toute sa vie.
Vimy, par ailleurs, est à voir impérativement. Les colonnes jumelles du mémorial marquent une terre canadienne plantée de pins et d'érables. Les tranchées, reconstituées, les trous de bombes couverts de gazon, forment un cadre arboré bucolique qui ferait presque oublier les horreurs du passé, quand les troupes canadiennes prirent cette crête d'assaut le 9 avril 1917.
22.000 soldats inconnus.
À quelques kilomètres, c'est Ablains-Saint-Nazaire. Galtier-Boissière, qui y combattit, put en écrire : « On s'est colleté dans les maisons, on s'est fusillé à bout portant dans les escaliers ; on s'est égorgé ». Le paisible village est dominé par l'éperon de Notre-Dame-de-Lorette, qui, avec ses 161 m de hauteur, fut un enjeu essentiel tout au long de la guerre. Là s'élève désormais la plus vaste nécropole militaire française (en photo, ci-dessus), aux 20.000 tombes, aux huit ossuaires renfermant les corps de 22.000 soldats inconnus. De mars à novembre, une garde d'honneur veille les morts à la tour-lanterne faisant face à une basilique, toutes deux oeuvres de l'architecte Louis Cordonnier.
À Neuville-Saint-Vaast, la nécropole de la Maison Blanche accueille près de 45.000 sépultures allemandes, tandis que, non loin de là, au lieu-dit La Targette, se tiennent un cimetière tchécoslovaque et un monument aux volontaires polonais.
Quasiment chaque cimetière municipal renferme des carrés dévolus aux morts de 14-18. Ainsi, à Aix-Noulette (avec quelques stèles japonaises) ou à Sains-en-Gohelle. Même des cratères de bombes, jamais comblés, renferment des corps comme, à Thelus, les Lichfield et Zivy Craters.
Arras reconstruite à l'identique.
Il ne reste plus qu'à clore ce petit parcours par Arras. La Grand'Place et la Petite, dite des Héros, dominée par le somptueux beffroi chanté par Verlaine, en sont les joyaux. Cet ensemble unique de maisons des XVII et XVIIIe siècles, aux pignons à enroulement, ou en pas de mineau pour le plus vieux d'entre eux, ne doivent pas faire illusion. Arras, pas plus que ses voisines, n'a échappé aux destructions. Une seule de ces maisons est d'origine, les 154 autres ont été entièrement reconstruites, à l'identique, après la guerre.
Les souterrains, ou boves, qui parcourent la ville sur au moins trois niveaux et servent encore de caves, ont accueilli troupes, hôpitaux, et des tunneliers néo-zélandais qui y aménagèrent un véritable QG pour les troupes britanniques, afin qu'elles surgissent sur le front allemand en profitant de la surprise. La Carrière Wellington est à voir pour comprendre cet incroyable tour de force. Coiffés d'un casque et écouteurs aux oreilles, même les jeunes enfants sont ravis de la visite.
Néanmoins, en dépit de leur aspect souvent riant, voire inoffensif, ces lieux de mémoire sont les meilleurs antidotes à toute velléité de bellicisme ou de patriotisme étroit.
Carnet de tranchées
Se renseigner:
- Pas-de-Calais tourisme, route de la Trésorerie, Wimille, 62930 Wimereux. 03.21.10.34.60. www.pas-de-calais-tourisme.com
- Office de tourisme d'Arras, Hôtel de Ville, place des Héros, 62000 Arras. 03.21.51.26.95. www.ot-arras.fr
- Office de tourisme de Lens-Liévin, 58, rue de la Gare, 62300 Lens. 03.21.67.66.66. www.tourisme-lenslievin.fr
Visiter:
- Louvre-Lens, rue Paul-Bert, à Lens. Du 28 mai au 6 octobre, exposition « Les désastres de la guerre ». Tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 18 h. Entrée : musée, gratuite ; exposition, 9 €.
- Carrière Wellington, rue Arthur-Delétoille, à Arras. 03.21.51.26.95. Visite guidée de 10 h à 12 h 30 et de 13 h 30 à 18 h. Entrée : 6,80 €.
Se loger:
- Les Cèdres bleus. 9, rue Émile-Roux, à Liévin. 03.21.44.70.91. Pour dormir dans le grand calme, bercé par la brise dans les grands cèdres bleus. Petit-déjeuner de qualité fait maison. Jacuzzi, sauna et petite cuisine à disposition. Trois chambres de 60 € à 72 € pour une personne, petit-déjeuner compris. De 68 € à 80 € pour deux personnes, petits-déjeuners compris.
- Hôtel Diamant. 5, place des Héros, à Arras. 03.21.71.23.23. Sur la plus belle place de la ville, douze chambres, petites mais confortables. De 69 € à 81 €. Petit-déjeuner : 10,50 €.
Se restaurer:
- Al' Potée de Léandre 107 rue Pasteur àSouchez. 03.21.45.16.40. Menus régionnaux excellent; en bas de la route, c'est au pied de la colline de Lorette, que vous découvrirez le restaurant-estaminet "A l'Potée d'Léandre". Accueil chaleureux, cuisine régionale, convivialité. Vous découvrirez un bar d'alcools anciens (absinthes, pastis d'antan, etc.) dans un cadre rempli d'objets anciens représentant entre autre les métiers et les passions des habitants du Nord-Pas de Calais.
- Al' Fosse 7. 94, boulevard Henri-Martel, à Avion. 03.21.43.06.98. Pour goûter à une bonne cuisine de terroir aux produits frais et locaux, dans une salle transformée en galerie de mine. Chaleureux et roboratif en diable. Plat du jour : 8,50 € ; carbonnade flamande avec légumes et frites : 12,20 € ; potjevleesch aux trois viandes avec frites et salade : 12,40 €. Il est prudent de réserver.
- Le Pain de la Bouche. 41, rue de la Gare, à Lens. 03.21.67.68.68. Avec ses vieux objets et son atmosphère d'antan, cet estaminet à l'ancienne propose une cuisine de terroir, avec ficelle picarde, faluches gratinées, andouillette d'Arras, carbonnade et potjevleesch. Menus : midi, 13,50 € (faluche + dessert + boisson) ; enfant, 8 € (ficelle picarde ou faluche + dessert).