C'est au coeur du bassin minier que peut commencer une visite de ces lieux chargés jadis de bruit et de fureur. Par Lens, complètement rasée à l'époque et entièrement reconstruite. L'art déco y règne en maître, notamment à la gare en forme de locomotive ! Mais rapidement, ce sont les grands cimetières qui marquent les paysages dominés par les terrils jumeaux. Parmi eux, à Loos-en-Gohelle, le Dud Corner Cemetery renferme les corps de plus de 20.000 soldats, dont celui du fils de Rudyard Kipling (reconnu en 1992), que le prix Nobel de littérature chercha en vain toute sa vie.
Vimy, par ailleurs, est à voir impérativement. Les colonnes jumelles du mémorial marquent une terre canadienne plantée de pins et d'érables. Les tranchées, reconstituées, les trous de bombes couverts de gazon, forment un cadre arboré bucolique qui ferait presque oublier les horreurs du passé, quand les troupes canadiennes prirent cette crête d'assaut le 9 avril 1917.
22.000 soldats inconnus.
À quelques kilomètres, c'est Ablains-Saint-Nazaire. Galtier-Boissière, qui y combattit, put en écrire : « On s'est colleté dans les maisons, on s'est fusillé à bout portant dans les escaliers ; on s'est égorgé ». Le paisible village est dominé par l'éperon de Notre-Dame-de-Lorette, qui, avec ses 161 m de hauteur, fut un enjeu essentiel tout au long de la guerre. Là s'élève désormais la plus vaste nécropole militaire française (en photo, ci-dessus), aux 20.000 tombes, aux huit ossuaires renfermant les corps de 22.000 soldats inconnus. De mars à novembre, une garde d'honneur veille les morts à la tour-lanterne faisant face à une basilique, toutes deux oeuvres de l'architecte Louis Cordonnier.
À Neuville-Saint-Vaast, la nécropole de la Maison Blanche accueille près de 45.000 sépultures allemandes, tandis que, non loin de là, au lieu-dit La Targette, se tiennent un cimetière tchécoslovaque et un monument aux volontaires polonais.
Quasiment chaque cimetière municipal renferme des carrés dévolus aux morts de 14-18. Ainsi, à Aix-Noulette (avec quelques stèles japonaises) ou à Sains-en-Gohelle. Même des cratères de bombes, jamais comblés, renferment des corps comme, à Thelus, les Lichfield et Zivy Craters.
Arras reconstruite à l'identique.
Il ne reste plus qu'à clore ce petit parcours par Arras. La Grand'Place et la Petite, dite des Héros, dominée par le somptueux beffroi chanté par Verlaine, en sont les joyaux. Cet ensemble unique de maisons des XVII et XVIIIe siècles, aux pignons à enroulement, ou en pas de mineau pour le plus vieux d'entre eux, ne doivent pas faire illusion. Arras, pas plus que ses voisines, n'a échappé aux destructions. Une seule de ces maisons est d'origine, les 154 autres ont été entièrement reconstruites, à l'identique, après la guerre.
Les souterrains, ou boves, qui parcourent la ville sur au moins trois niveaux et servent encore de caves, ont accueilli troupes, hôpitaux, et des tunneliers néo-zélandais qui y aménagèrent un véritable QG pour les troupes britanniques, afin qu'elles surgissent sur le front allemand en profitant de la surprise. La Carrière Wellington est à voir pour comprendre cet incroyable tour de force. Coiffés d'un casque et écouteurs aux oreilles, même les jeunes enfants sont ravis de la visite.
Néanmoins, en dépit de leur aspect souvent riant, voire inoffensif, ces lieux de mémoire sont les meilleurs antidotes à toute velléité de bellicisme ou de patriotisme étroit.